Regarde Aya. Là, juste en face. Les souvenirs s'entrechoquent dans son esprit. Les premières fleurs de l'année. Des bouts de lui qui remontent à la surface. De plus en plus vite. De plus en plus nombreux. Faisons un jeu. Prend le globe et ferme les yeux. Je le fais tourner et ce sera à toi d'indiquer un lieu en posant ton doigt dessus. Psst, triche pas. Les yeux fermés, Aya. Elle tombe à genoux dans l'herbe tendre du cimetière, les mains sur ses tempes. L'Allemagne ? Franchement sœurette, t'aurais pu choisir un pays un peu plus ensoleillé. Ça fait mal. C'est comme des coups de massue qui la frappe, des coups de couteau qui la lacère. Partout. La douleur est partout. Elle l'englobe, l'empêche de respirer. Dès que j'aurais passé mon diplôme, on ira passer toute une semaine en Allemagne. Rien que toi et moi. Elle se rappelle cette sensation de pure bonheur qu'elle ressentit à cet instant. La destination importait peu, seul comptait son frère. Seul comptait sa chaleur, sa compréhension si vive, si juste. Parce que depuis toute petite, Aya ne comprend rien. Elle ne comprend pas comment ça fonctionne la vie, comment raconter des secrets, rire sans raison, parler sans sujet de conversation, être là avec eux. Juste être là. Et ça, Tyee le comprenait. C'est une promesse. Promis, juré, craché. Son rire résonne dans sa tête, amplifiant sa peine. Pourtant, elle s'y accroche. Elle ne veut pas le laisser partir. L'oublier. Elle a l'impression d'avoir déjà tant perdu dans cette accident de voiture. Un accident stupide. Une mort stupide. Un enterrement stupide. Sa colère avait été si grande devant la tombe de son frère. Aya n'avait jamais ressenti ça auparavant, ce sentiment si destructeur, si violent, ravalant tout sur son passage comme un ouragan. Elle ne se rappelle même plus des heures qui ont suivi mais simplement du réveil dans son lit et des bleus sur son corps.

uc.