WELCOME HOME (LIBRE°

L’église de Blackfeet. C’est le premier lieu que le Révérant Calonllame a découvert lorsqu’il est arrivé – ou tout du moins revenu – après ses études. Il se souviendra toute sa vie de cette si belle journée. Elle était semblable à celle-ci à la différence prête qu’il était moins fatigué. Il avait voyagé toute la journée en train et avait dû marcher de la gare à Blackfeet des heures durant, sa valise sur le dos.
« Aujourd’hui » était bien différent. Il vivait seul à présent, se levait seul. Le presbytère était un endroit plutôt cosy. Comme chaque matin, il avait pris son café très sucré avec sa tartine de beurre. Un fruit, un yaourt à la crème qui lui avait été offert – comme les douze autres – par une paroissienne bien généreuse. Puis la douche du matin s’est révélée plus douloureuse que d’habitude : l’eau n’avait pas eu le temps de chauffer la nuit durant, et, c’est très certainement à la grande surprise des oiseaux qui furent effrayés par un hurlement d’effroi, qu’il constata que l’eau était froide. Gelée. Puis, il s’était habillé comme à son habitude, selon les vêtements que sa fonction lui oblige de porter. Ho bien sûr, il lui arrivait de s’habiller différemment mais il voyait en sa chemise noire un côté fort pratique.

Le reste de la matinée avait été consacré à l’étude des lectures du jour, à préparer pour la messe. Puis, selon la règle de Saint-Benoît, il s’était donné du temps pour travailler : depuis la venue des grands entrepreneurs, il avait pris la décision de fabriquer une armée de chapelets pour les vendre. L’argent servait à financer les programmes de protestation et de manière plus générale, à aider les plus pauvres. Dans le bus, dans le train, en écoutant la radio – car Joseph ne regarde pas la télévision – et autres… Toute occasion était bonne. Et puis cette activité pieuse lui donnait aussi un bon motif pour réciter ses dizaines, chose si longue qu’il y avait renoncé de nombreuses fois.
Puis, il avait avalé un autre café. Un café encore plus immonde que le précédant. Il faut dire qu’il n’avait jamais su le faire… De fait, il en fit offrande à ses fleurs et se lança dans la réalisation d’un thé. La lecture du journal fut alors si ennuyeuse qu’il se décida de sortir de sa petite maison-appartement de plain-pied. Il était neuf heures moins le quart et il avait rendez-vous à neuf heures à l’église pour la messe. A dix heures moins vingt avaient lieu les confessions. À peine avait-il mis un pied dehors qu’il bénit le ciel de lui avoir donné le don de la vie.

L’église était à deux pas et pourtant, elle lui sembla si loin qu’il se senti obligé de faire une halte sur un banc. Deux femmes faisant leur footing le saluèrent puis passèrent leur route. Alors il se souvint de sa mère. Elle aussi, aimait courir au petit matin. L’oiseau chanta. une feuille tomba. C’était le moment de se relever. Regardant sa montre, Joseph conclu qu’il était vraiment tant d’aller à l’église.
L’office se déroula comme prévu. Il se sentait chez lui. C’était sa première messe et tous l’avaient accueilli d’un cœur généreux. « Voilà une bonne chose de faite » se dit-il. « Bienvenue chez toi Joseph » lança-t-il à travers l’église en s’asseyant sur le banc, face à l’autel.

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Et bien finalement, l’attente n’avait pas été si longue… Joseph était à peine assis que déjà quelqu’un venait. L’air frais de l’église le rendait joyeux. Trop de chaleur tue la chaleur et malheureusement, ici à Blackfeet c’est souvent qu’il fait chaud.
Encore énervé par l’erreur qu’il avait fait durant la lecture il se retourna. Voyant une femme qu’il n’avait jamais l’habitude de voir, aux yeux d’un bleu magique. « Un don de Dieu » pensa-t-il. Elle semblait fort angoissée. Sûrement avait-elle peur de se retrouver seul avec le jeune pasteur,qu’elle ne connaissait très certainement pas.

Bien que complètement fatigué par les divers commérages des vielles femmes de la paroisse, il se laissât entraîner par son cœur et se levât donc.
_ Bonjour monsieur le curé.
« Eh bien ! La conversation commence mal » se murmura Joseph. Mais en bon berger, il se réconforta en disant que tous ne connaissaient certainement pas le vocabulaire technique ou les diverses façons d’appeler un pasteur.
La saluant, il s’approcha et avant même de lui demander ce qui amenait ici cette femme à parement perdu il fut interrompu.
_ Je viens vous parler des projets immobiliers qui naissent un peu partout dans la ville...

C’était en effet, une question que beaucoup venaient lui poser. Il n’avait jamais trop compris en quoi cette question était importante. « En quoi l’avais d’un pasteur peut bien apporter quelque chose ? De toute manière, personne ne m’écoutera car je ne suis QUE pasteur » avait-il l’habitude de répondre. Mais tous savaient que ses racines et son éducation faisaient de lui un pasteur tout de même proche de la culture Cheyenne.

_ Enchanté de même, lança-t-il quand même par politesse. Je pense que les indiens se doivent d’être traités avec respect. Ils sont avant tout fils et filles de Dieu et bien que ne vénérant pas le même Dieu que nous, ont peut leur accorder le bénéfice du doute et tenter un rapprochement entre leur religion et la nôtre, même s’il est légèrement…tiré par les cheveux dirons-nous.

En disant cela, il s’assurait de ne pas s’attirer les foudres des divers avis. Bien que ne reconnaissant pas la religion Cheyenne, il avait toujours pensé (ou espéré) que leur âme pouvait être sauvée s’ils reconnaissaient un éventuel rapprochement entre les esprits et les saints, anges et archanges ou même Dieu ! De toute manière, il ne pouvait pas souhaiter de mal aux indiens : c’est grâce à eux qu’il avait grandit !

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