Celui qui part

La pluie tombait pour ces derniers jours d'été sur la réserve indienne. Deux jeunes gens, un couple pourtant unis par autre chose que le mariage, allongé à l'abri dans une sorte de cabane de jardin, se tenait chaud. Tout était parfait, le calme environnant détruit par les gouttes de pluie et les bras chauds qui tenaientt cette femme ravissante à la peau mate et aux cheveux noirs sombre comme la nuit. Elle l'observa, son homme aux boucles blondes qui tombaient nonchalamment sur son front, cette peau si pâle qui divergeait avec la sienne. Eux dans cet endroit si privé, à eux, pour toujours. Il était ethnologue. Il aimait voyager et c'était la première fois qu'il s'arrêtait aussi longtemps dans un endroit. Juste pour elle. Elle voulait qu'il l'emmène, il partait demain. « Prends moi avec toi ! Fais-moi quitter cet endroit, laisse-moi vivre avec toi, laisse-moi être libre. » Il l'observa tendrement, l'embrassa. « Ton peuple a besoin de toi, tu ne sais pas ce qui se passera plus tard. Les cheyennes doivent survivre. » Elle se releva, le regarda et compris rapidement qu'elle n'avait été qu'un jouet pour lui, un objet d'étude. Elle remit ses vêtements. Puis elle s'arrêta avant de partir. « M'as-tu aimé un jour ? » Il la prit dans ses bras. « Je t'aimerais autant que ma vie me le permettra ». « Pourquoi partir ? ». Il lui répondit que c'était son devoir et qu'il ne pourrait vivre une vie ici, pas dans ses conditions. Elle le supplia de rester, mais il ne voulut tout de même pas. Promettant de revenir un jour et de l'enlever loin de tout ça. Un homme blanc, une femme bafoué par un être qui n'avait pas sut la respecté. Elle le regarda partir, puis elle toucha son ventre. « Tu ne seras pas celui qui part, tu resteras avec moi. Pour toujours ! »


Celle qui fait des traces
Trahis. Ils se sentaient tous trahis de voir cette pauvre femme, aux cheveux noirs qui recouvraient la moitié de son visage et qui fixait le grand homme, bien trop vieux pour tenir debout. Elle avait commis une faute, elle le savait. Mais les temps avaient changé n'est-ce pas ? S'il était resté, sentirait-elle tous ses regards sur elle ? Ou bien auraient-ils fait comme si de rien n'était. Mais s'ils étaient restés, elle ne serait plus là. Elle serait loin dans un état sans problème, elle serait une belle femme à la merci du monde nouveau qu'elle ne connaissait pas, mais elle serait libre de ne plus rendre de compte à ce vieil homme. Trahis, il se sentait trahis. Trahis par cette femme aussi belle que la lune, qui s'agenouillait presque à ses genoux pour le supplier de bien vouloir la pardonner. Oui elle était par terre, entouré d'un halo marron et blanc cassé. « Père je vous en supplie, laissez-moi rester dans la réserve ! ». Il la fixa avec un regard remplis de mépris et tandis qu'il s'avançait pour déposer sa sentence, elle entrouvrit ses bras et posa un nouveau-né sur le sol. Elle baissa la tête, ne laissant plus voir ses yeux. L'enfant était très petit, mais semblait robuste, bien plus américain que Cheyenne. Mais il bougeait ses mains dans la direction de son grand-père comme s'il reconnaissait sa famille. Le grand-père attendrit, toujours pourtant le regard dur se détourna de l'enfant et de sa mère. « Va dans la vallée, demande à un homme de te construire une maison rapidement, ou construis-en une toi-même ; élève cet enfant dans la culture Cheyenne, mais ne me parle plus jamais comme si tu étais quelque chose pour moi.» La femme remonta la tête, surprise par la sentence, mais acquiesça. Elle reprit son enfant et commença à partir suivit de deux hommes. Pourtant, avant de sortir du champ de vision de son père, elle s'arrêta. « Tu ne veux pas savoir le prénom de ta petite-fille ? » Un regard, lui permit de comprendre qu'il semblait ne pas vouloir savoir. Elle se retourna. Et s'écria face à la vallée « Elle s'appelle Hateya, celle qui fait des traces. » Puis elle partit, le regard fier de ce petit être qu'elle tenait dans ses bras.

Celle qui comprend

Hateya avait toujours cru qu'elle était spéciale. Sa mère ne cessait de le lui dire qu'elle avait un destin magique, bercé par l'esprit de la grande famille. Et la nouvelle-née devenait petite fille. Dans une petite maison, éloigné de toute autre forme de civilisation, elle n'avait jamais connu d'autre endroit que cette plaine où elle courait sans cesse. Une impression d'être libre, d'être unique, d'être seule dans cet univers. Mais ce n'était pas vrai. Elle avait neuf ans. Toute petite avec des yeux verts très peu commun pour une cheyenne, des cheveux bruns aux reflets blonds, seule sa peau plus mâte que la normale lui permettait de se qualifier comme Cheyenne. Elle courait, elle trébucha et se retrouva en train de crier à l'aide. Elle avait mal, mais ce ne devait être que des égratignures. Personne ne vint, on ne pouvait pas l'entendre perdus dans la forêt. Elle se releva tranquillement, grimaçant de douleur en imaginant les bleus qu'elle aurait le lendemain. Mais Hateya avait été entendu, elle avait un destin de le rencontrer lui. Ce jeune garçon à la coupe de cheveux ridicules, qui la fixait avec un morceau de bois dans les mains. Hateya lui sourit, reflex stupide, mais peut salvateur. « Salut à toi, je m'appelle Hateya ! Tu viens d'où ? ». Il la regarda fixement sans aucune émotion, la pointa du doigt et dit d'une voix calme : « Tu es paria, l'enfant de l'homme blanc qui laissa la femme seule ! Tu es la coupable ! ». Hateya ne comprit pas, mais cette accusation gratuite ne lui plaisait pas. Elle commença à parler. Mais s'arrêta lorsque le garçon de son âge fit demi-tour pour s'enfoncer de l'autre côté de la forêt. Elle le suivi, jusqu'à l'endroit de la réserve où elle n'avait jamais été. Et tous la regardèrent comme un esprit du diable, tandis qu'elle suivait le jeune garçon. Ce dernier l'amena dans une maison, plutôt grande. Blackwood. Le même nom de famille. Mais elle ne rentra pas. La curiosité était un vilain défaut. Elle vit pourtant à travers la fenêtre le visage d'un homme plutôt jeune, qui lui sourit avant de disparaître de la maison. Ce sourire n'était ni bon ni gentil, il était cynique. Elle tourna les talons et s'enfuit de cet endroit. Hateya resta quatre heures perdues dans la forêt sans savoir comment retourner chez elle. Sa mère la retrouva, guidé par on ne sait quel esprit et la ramena, la laissant son enfant dormir comme si toute cette journée n'avait été qu'un mauvais rêve. La paria dormait, mais elle avait comprit que sa vie ne serait pas toujours gardée par des esprits bienveillant.

Celle qui découvre

Grandir n'était pas chose aisée en sachant cette vérité qui blesse. Hateya avait quinze ans maintenant. Elle était devenue une belle jeune femme, elle avait vu les regards s'échappaient alors qu'elle tentait d'étudier dans le collège de la réserve. Mais le lycée l'attendait maintenant. Cette fameuse phase où on pouvait être qui on voulait. Et elle allait en dehors de la réserve. En dehors, dans la ville des hommes blancs, ceux qui avaient fait d'elle une paria. Elle aurait dû les détester n'est-ce pas ? Mais les gens là-bas ne la fixaient pas, ils étaient indifférents. Mais l'indifférence valait mieux qu'un regard de travers. Hateya n'était pas du genre à se bagarrer et parfois elle avait l'impression que des Cheyennes lui en voulaient et auraient voulu la voir morte. Bien sûr elle était sûre qu'ils n'en feraient rien. Mais elle se sentait bien dans ce lycée, elle semblait normal. Sauf quand elle devait aller prendre le bus pour la ramener au centre de la réserve et qu'elle devait traverser la forêt pour se rendre chez elle.Hateya la connaissait par coeur maintenant et n'en avait plus peur. Elle avait commencé à s'intéresser à la propriété des plantes avec sa mère. La jeune fille continuait à courir tentant de renouveler cette sensation de nuage volant au vent qu'elle avait eu avant de savoir la vérité. Pourtant, elle n'en voulait à personne. C'était ainsi les esprits avaient fait son destin, ils seraient là pour elle plus tard puisqu'ils n'avaient pas été là avait. Mais le monde extérieur la fascinait trop, il était beau avec toute cette vie. Elle qui avait vécu toute sa jeunesse dans l'ombre des autres, à longer les couloirs, pouvoir enfin marcher dans les rues étaient un réel. Plaisir. Elle ne voulait pas se laisse faire, elle voulait pouvoir être fière d'elle-même. Reconquérir son statut, revoir sa famille puisqu'il semblait qu'elle en avait une autre. Mais plus que dessus tout elle voulait pouvoir voyager dans le monde, découvrir enfin ce qui se cachait derrière cette forêt qui l'entourait depuis tant d'année. Et puis au bout de la grande route et encore après, toujours plus loin, toujours plus vite. Découvrir, vivre libre. En parlant de cette envie à sa mère, cette dernière lui avait répondu « Tu es bien la fille de ton père a toujours vouloir bouger partout. Les Cheyennes ont besoin de nous. ». Hateya ne comprenait pas « Mais maman, ils nous haïssent. N'as-tu jamais rêver de pouvoir prendre une voiture et de rouler jusqu'à l'autre bout du monde ? », « J'y ai rêvé un jour, mais je ne pourrais jamais le faire. J'attends ton père, il reviendra un jour ... ». Hateya n'avait pas insisté, pourtant elle savait que rien ne l'empêcherait de continuer. Surtout pas un homme qui la forcerait à ne pas suivre son envie. Et sur le banc mobile de la maison, elle sentit le vent dans ses cheveux et observa le garçon de son âge qui revenait parfois, comme pour la surveiller. Mais elle n'en avait que faire. Elle souriait.

Celle qui sait

Cela faisait des années qu'elle sentait ses regards, qu'elle tentait désespérément de faire changer d'avis à son sujet. Mais rien n'y faisait. On la regardait toujours de travers sans qu'elle puisse faire quoique ce soit. Cela en devenait, dur, lassant, elle ne trouvait plus la force face à tout ça. Mais elle savait que quelque chose ou quelqu'un poussait les regards vers elle. Elle savait que la maison du garçon devenus jeune homme en était la cause. Et elle avait besoin de savoir qui tirait les ficelles. Souvent elle y allait mais n'y rentrait pas. Elle voyait toujours le visage à la fenêtre qui lui disait qu'il savait aussi qu'elle se trouvait là, mais jamais il ne l'invitait à rentrer. Des heures à observer cet endroit, faisant semblant de s'occuper de quelques herbes. Pourtant, une fois alors qu'elle retournait chez elle dans la vallée, elle entendit le bruit des pas des cheveux qui galopent. Rien de bien méchant si ce n'est qu'ils se rapprochaient d'elle. Hateya se retourna pour voir un enfant âgé de huit ans qui courait dans sa direction en hurlant au secours. Mais personne ne répond quand on crie au secours. Les gens n'en ont que faire. Puis elle vit les chevaux arrivés comme si le diable saillait leur corps et les poussait à écraser le pauvre enfant. La jeune fille ne sait pas ce qui lui a prit. Elle saisit l'enfant, commença à courir jusqu'à trouver un arbre creux non loin de là pour les cacher tous les deux. Quelques minutes passèrent avant que le bruit des sabots de s'éloignent. Quelqu'un irait les retrouver, ils n'iraient pas bien loin. L'enfant tremblait, c'était une petite fille qui ne semblait pas vouloir la lâcher. Hateya la prit dans ses bras et prit le chemin inverse de sa maison pour déposer la gamine chez elle. Mais cette dernière venait de cette maison. La paria ne voulut pas frapper, mais la petite fille qui ne la lâchait toujours pas l'y força. Un homme d'une quarantaine d'année lui ouvrit, prit la petite fille et rentra dans la maison. « Entre ! J'ai à te parler ! ». Hateya ne se le fit pas dire deux fois et entra dans la maison où elle vit le jeune homme qui la suivait parfois, une autre femme de l'âge de sa mère et enfin l'homme qui l'avait tant observé. On lui ordonna de s'asseoir. « Ton grand-père a fait de toi une paria bien avant ta naissance ! Ta mère nous a trahi pour aller avec un blanc qui la lâchement abandonnée sans aucune promesse de mariage. Nous n'aimons pas cela et je sais que tu viens sans cesse par ici pour chercher des réponses, pour comprendre pour savoir. » Hateya commença à jouer avec ses mains, mais elle le regarda d'un air ferme. « Je veux savoir qui êtes-vous pour pouvoir influencer tant de gens a me regarder comme si j'étais possédée ! » L'homme sourit, voyant qu'elle n'avait toujours pas comprit. « Nous sommes ta famille ! Les Blackwood sont plutôt renommés dans le coin et une paria parmi nous ne ferait pas bon présage ». Elle ne dit rien. « Papa ! Papa ! Elle m'a sauvé la vie des chevaux ! » Hateya et son oncle, puisque c'était ainsi observèrent la petite fille qui déjà s'était attachée à la jeune paria. L'homme de la famille ne dit rien, surpris par cette annonce. Il semblait qu'il ne savait pas tout. « Sauver l'un des nôtres rachète des dettes ! ». Hateya se leva. « Je l'ai fait parce que je devais le faire et que je n'allais pas la laisser mourir devant mes yeux ! Mais une famille doit être là dans les moments de faiblesse ! Vous pourrez me faire croire que j'ai racheter un crime que je n'ai pas commis, mais aujourd'hui seule ma mère est ma vraie famille ! Je veux juste qu'on cesse de m'incriminer à sa place ! ». L'oncle ne dit rien, resta calme puis lui dit « Tu as racheter ta dette ! ». Hateya partie, laissant la petite fille qui semblait être sa nouvelle cousine, tout en fixant le jeune homme qui la suit parfois. Elle courut dans la forêt, mais ne rentra pas tout de suite. Elle respira le bon air et décida au fond qu'elle serait réhabilitée quand tous les autres sauraient qu'elle n'est pas qu'une simple Paria.

Celle qui vit

Hateya n'avait jamais été contre la modernité, ou contre l'homme blanc bien au contraire elle le trouvait fascinant. Depuis la discussion avec son oncle, les regards s'étaient taris quand bien même ils demeurèrent. Elle avait décidé de vivre sa vie, elle avait comprit qui elle était. Elle était en faculté de biologie pour étudier les plantes autre que celles qu'elle trouvait autour de chez elle. Sa petite cousine venait parfois lui rendre visite avec son grand-frère qui ne donnait aucun signe d'attention ni à sa soeur ni à sa cousine. Les deux filles s'entendaient très bien et Hateya regrettait parfois de l'avoir connus dans cette situation. Oui elle aurait voulu avoir une famille, mais ce n'était pas si simple. Malgré tout, la jeune fille avait décidé de vivre sa vie comme elle l'entendait, d'être vivant sans les yeux troublants. Mais les regards avaient quelque chose d'autres en vue ses derniers temps. L'homme blanc avec qui le traité de paix était signé, avait décidé de construire un centre commercial en terre sacré. Non pas que la modernité la gênait, mais l'idée que le lieu du totem puisse être bafoué par la stupidité humaine ne lui plaisait guère. Elle en avait parlé à sa mère. Celle-ci lui avait répondu « Ton père avait raison ! Les Cheyennes doivent survivre ». Mais elle n'avait rien fait sachant très bien qu'elle ne pourrait rien faire de plus dans l'état où elle était. Pourtant, Hateya voyait une chance de redonner de la fierté à sa mère et à elle-même. Elle allait se battre pour son peuple, même si elle détestait utiliser la force, cela n'était rien de manifester ou d'être présent. Un geste égoïste pour le bien commun. C'est tout ce qu'il lui faudrait ! Hateya y arriverait, pour son peuple.